Le bazar de Kotla, dans le sud de New Delhi, grouille habituellement de monde. Sa rue principale, large de quatre mètres environ, est un concentré d’Inde : une centaine d’artisans, de quincailliers, de drapiers, de vendeurs de tabac ou de musiciens de mariage s’affairent tout le long. Et au centre, les badauds jouent des coudes pour tenter de se frayer un passage entre les vaches et les scooters. Mais aujourd’hui, tout cela a disparu. Les rideaux de fer sont tirés, les chalands chez eux et seules les vaches errent, nouvelles reines d’un quartier presque désert.
Depuis mercredi matin et pour trois semaines, l’essentiel des 1,3 milliard d’Indiens sont appelés à se cloîtrer, ce qui représente le plus grand confinement du monde, devant la Chine, qui ne l’avait imposé que dans 20 provinces. Tous les transports urbains, sauf quelques bus, sont arrêtés et les véhicules n’ont pas le droit de circuler sans raison impérative ; tous les vols sont interrompus, sauf ceux qui évacuent des étrangers ; les trains, qui transportent habituellement 22 millions de passagers par jour, ne circulent plus. Les frontières entre Etats sont fermées, sauf pour le fret des produits de première nécessité destinés à alimenter les épiceries et pharmacies restées ouvertes. La nature profite de l’arrêt des transports et des industries : les nuages toxiques et sombres qui planent habituellement au-dessus des villes indiennes se dissipent et New Delhi, capitale la plus polluée du monde, a vu son taux de particules fines divisé par deux en trois jours, pour atteindre enfin des niveaux respirables.